Equipe : Pauline Barraud de Lagerie, Antoine Bernard de Raymond, Laure Bonnaud, Samuel Bouron, Quentin Deforge, Marc-Olivier Déplaude, Nicolas Fortané, Vincent Gayon, Emmanuel Henry (responsable), Alban Jacquemart, Nathalie Jas, Thierry Kirat, Benjamin Lemoine, Gwénaëlle Mainsant, Arnaud Mias, Elise Penalva, Samuel Pinaud, Valentin Thomas, Sabine Rozier
Le programme « Gouvernement des risques, problèmes publics, expertises, normes, instruments » est le résultat de la refonte du pôle « Expertise et action publique » existant auparavant dans l’IRISSO. Il bénéficie de l’arrivée de nouveaux chercheurs au laboratoire, ainsi que de la fusion avec l’ancienne unité RITME dont les recherches portaient sur les enjeux sanitaires et environnementaux. Il regroupe les chercheurs s’intéressant aux modalités de gouvernement des activités (potentiellement) dangereuses ou à risque, dans un sens large. Les risques envisagés peuvent ainsi conduire à des atteintes immédiates à la santé ou être plus diffus voire incertains ou difficiles à objectiver et controversés ; ils peuvent également être définis de façon globale, dans la perspective des sciences camérales, comme des atteintes à la sécurité dans ses diverses acceptions (dangerosité sexuelle et prostitution).
Les recherches menées antérieurement par les chercheurs qui participent à ce programme les conduisent à considérer comme acquis deux phénomènes concomitants : d’une part, la transnationalisation du gouvernement des risques et, d’autre part, la mise en place, dans tous les pays européens, d’une action publique de co-régulation, impliquant acteurs publics et privés dans le gouvernement des risques. Ces constats ont des implications concrètes sur les focales à privilégier (nécessitant des comparaisons entre divers espaces nationaux, ou intégrant l’influence de l’Union européenne, ou des terrains sur des espaces transnationaux) et sur les acteurs considérés, les entreprises faisant l’objet d’un intérêt croissant. Par l’analyse des modes de gouvernement des risques, les recherches développées dans ce programme font dialoguer la sociologie de l’action publique et les sciences & technology studies en attachant une attention particulière à la matérialité des dispositifs analysés et aux composantes sociales et politiques des choix techniques et scientifiques effectués pour appréhender une question donnée. Le programme intègre ainsi trois grands questionnements : la construction des problèmes publics, les formes d’expertises (en particulier les savoirs et les instruments) par lesquels les risques sont appréhendés, la mise en œuvre de normes d’encadrement des risques par les acteurs publics et privés.
La construction des problèmes publics
Premièrement, dans une tradition désormais bien établie en sociologie des risques, certaines recherches s’inscrivent dans une perspective de construction des problèmes publics. Des travaux portent ainsi sur la structuration des débats publics et professionnels, ou la mise en évidence des controverses scientifiques et techniques qu’ils suscitent, par exemple en ce qui concerne l’émergence du problème de l’antibiorésistance en santé animale, ou encore l’identification de nouveaux déterminants de la sécurité alimentaire. D’autres recherches analysent le rôle et les propriétés personnelles et relationnelles des acteurs qui entreprennent de publiciser des problèmes, notamment les lanceurs d’alerte, à l’aide des outils d’analyse des réseaux. D’autres travaux s’attachent enfin à montrer la contribution des savoirs scientifiques et de leur absence à la construction des problèmes sociaux (notamment vis-à-vis des risques sanitaires liés au travail ou à l’environnement).
Expertises et appréhension des risques
Deuxièmement, comprendre comment se structurent ces problèmes et comment ils sont gouvernés implique également de s’intéresser aux savoirs et aux instruments au moyen desquels ils sont pensés et appréhendés, ce que nous appréhendons à travers plusieurs recherches sur l’expertise. Ces travaux s’intéressent, en amont des processus d’expertise eux-mêmes, aux productions de connaissances et d’ignorance qui conditionnent fortement la manière dont sont appréhendés et définis les problèmes. Ils portent aussi sur les multiples tensions et enjeux à l’œuvre dans le travail d’expertise : la gestion de l’incertitude scientifique, l’anticipation de la mise en œuvre de textes normatifs dans des situations locales variées et la confrontation avec des sources légitimes d’expertise produites dans d’autres espaces (nationaux ou internationaux). Une attention particulière est dévolue au travail réalisé par des entrepreneurs de cause opérant dans des espaces confinés (comités d’experts, services administratifs nationaux ou internationaux, organisations patronales), qui apparaissent dans plusieurs des chantiers engagés (antibiorésistance, sanitarisation des pesticides, sécurité alimentaire, alimentation infantile, régulation des substances chimiques à l’échelle européenne).
Encadrement des risques
Troisièmement, un dernier ensemble de recherches concerne la mise en œuvre des normes encadrant les risques par les acteurs publics ou privés ainsi que leur contrôle par les autorités publiques. Il s’agit ici d’interroger le poids du cadre légal sur les pratiques administratives locales, par exemple en matière de contrôle de la prostitution, mais aussi de comprendre comment les acteurs administratifs font avec ces normes souvent transnationales, qui remplacent les textes normatifs anciens auxquels ils se référaient, par exemple en matière de sécurité sanitaire des aliments. L’influence qu’ont les multiples réformes de l’Etat (inspirées du new public management) sur l’action publique de gestion des risques, parfois théorisée à travers l’expression de « risk-based regulation », fait ainsi l’objet de recherches empiriques. En outre, de nouvelles approches des risques se développent (mettant en avant leur caractère systémique, chronique, et interconnecté) : il s’agit ici de comprendre comment ces nouvelles approches affectent les normes et instruments mis en place pour gérer collectivement ces risques.
Des projets collectifs
Les activités de ce programme se déploieront notamment dans le cadre de plusieurs projets de recherche, qui débutent ou vont débuter dans les prochains mois, dont : le projet PSL Regulrisk (2017-2020) sur les instruments de régulation « à base scientifique » (valeurs limites, classifications, autorisations de mise sur le marché, etc.) des activités liées à la fabrication et à l’usage des produits chimiques ; le projet ANR/DFG Proscrim (2014-2018) sur les politiques de régulation du commerce sexuel ; le projet SYSRISK (2018-2020) « Risques systémiques, incertitudes et politiques de sécurité alimentaire » du Métaprogramme INRA-CIRAD Glofoods, sur le renouvellement des conceptions de la sécurité alimentaire autour des enjeux de systémicité, interdépendances et chronicités des risques, etc.
L’animation de ce programme est organisée autour d’un séminaire qui a débuté en 2016, intitulé « Entreprises, régulation, risques sanitaires et environnementaux ». Ce séminaire est organisé tous les deux mois en relation avec le programme « Marchandisation et société ». Il rassemble des doctorants comme des collègues confirmés, et cherche à développer l’accueil de collègues étrangers (par exemple en 2016-2017, Bridget Hutter et Tim Bartley). La vocation de ce programme est, à terme, de réunir régulièrement à partir de l’IRISSO le réseau des chercheurs qui travaillent sur le gouvernement des risques en France.