Equipe : Stéphanie Archat, Pauline Barraud de Lagerie, Samuel Bouron (responsable), Marie Carcassonne, Anaïs Dubreucq-Le Bouffant, François-Xavier Dudouet, Laurène Le Cozanet, Sabine Rozier (responsable), Elise Tenret, Anne-Elise Vélu.
Mutations et contestations des politiques éducatives
Dans le cadre des recherches menées au sein du laboratoire à la croisée de la sociologie de l’action publique, de la sociologie des problèmes sociaux et de la sociologie de l’éducation, un chantier a été ouvert sur les conditions de « mise en crise » du système scolaire public français. Il vise à analyser la façon dont les prescripteurs de normes éducatives sont aujourd’hui contestés par des acteurs proches des groupes sociaux dominants - situés à l’intérieur du système scolaire, dans ses marges ou à l’extérieur - qui entendent promouvoir une autre vision des savoirs et des méthodes pédagogiques. Ce projet consistera à appréhender la construction historique de cette problématique, par l’exploration des différentes représentations politiques qui ont accompagné la naissance de l’école républicaine. A l’étude de cette contestation historique d’un système d’enseignement public jugé par ses critiques comme excessivement « massifié », répondront des enquêtes sur le développement récent (ou le renouveau) de formes alternatives de scolarisation, paradoxalement encouragées par l’Etat. Ces luttes pour la construction d’une « autre école » se donnent à voir aussi bien en amont, dans la manière dont les milieux patronaux contribuent à transformer les conditions de production, de transmission et d’évaluation des savoirs économiques, qu’en aval, dans l’observation des différentes pédagogies (« classiques » et « alternatives », notamment Freinet) mobilisées dans l’enseignement du français, dans les normes de présentation de soi à l’université, dans le cas de l’encadrement de l’instruction à domicile et des choix éducatifs des familles, ou encore dans l’essor des écoles privées hors contrat.
Reproduction sociale et transformations du système éducatif
Le précédent chantier sera inscrit dans une réflexion plus générale portant sur la manière dont le système éducatif contribue à la légitimation des inégalités sociales et par là même à la production du consentement dans nos sociétés démocratiques. La célébration de l’anniversaire, en 2020, des 50 ans de la parution de l’ouvrage de Pierre Bourdieu et de Jean-Claude Passeron, La Reproduction, donnera lieu à un colloque international organisé à l’Université Paris-Dauphine et à l’EHESS. Il sera alimenté, en amont, par des recherches et par l’organisation d’un séminaire visant à mettre à jour les effets, sur le devenir des élèves, des transformations du système éducatif. Dans certaines enquêtes (scolarisation à domicile, écoles privées hors-contrat), l’école semble prolonger l’héritage culturel de la famille quand dans d’autres cas sont institués des dispositifs spécifiques pour pallier les manquements supposés de l’éducation familiale. C’est le cas des dispositifs de lutte contre l’échec scolaire, qui apparaissent comme une forme contemporaine de relégation sociale des classes populaires. A l’autre bout de l’échelle, les différentes enquêtes menées au sein de l’IRISSO sur la formation des élites permettront de réfléchir, dans le cadre d’un séminaire qui sera lancé en 2017-2018, sur la construction des curricula, des modes de sélection et de socialisation des élèves destinés à occuper des positions de pouvoir. Cette réflexion engagée sur la contribution du système scolaire à la reproduction sociale s’intéressera tout particulièrement à l’enseignement supérieur, car ce dernier, tout en se démocratisant, connaît aujourd’hui une différenciation de plus en plus marquée des parcours des étudiants notamment sous l’effet de l’injonction à l’internationalisation et à la professionnalisation des études. L’étude des processus de sélection dans l’enseignement supérieur permettra notamment de mettre au jour, à partir d’une enquête comparée conduite à Dauphine, Sciences Po et Paris I, les critères sur la base desquels sont aujourd’hui « triés » et hiérarchisés les étudiants et les effets de ces critères sur leur devenir. Enfin, seront questionnés les effets des politiques publiques en matière de « choix » des établissements et de mise en indicateur des performances éducatives. L’étude du transfert de politiques publiques en éducation depuis les organisations internationales vers les États, et en particulier de l’OCDE vers la France aidera à comprendre le rôle « prescripteur » de ces organisations dans l’élaboration des politiques publiques nationales, en particulier dans le cas de l'utilisation ou non des résultats du projet PISA par les décideurs politiques français.