La négociation collective d’entreprise fait l’objet d’un soutien répété du législateur depuis plusieurs décennies, et de façon plus marquée encore depuis 10 ans. Les obligations légales de négocier et les incitations financières à conclure un accord sont nombreuses aujourd’hui. Les dernières initiatives législatives marquent une évolution importante, d’au moins deux points de vue : le soutien public à la négociation passe désormais par un élargissement des possibilités de dérogation aux normes légales et conventionnelles ; la promotion dudit « dialogue social » dans les entreprises s’appuie plus clairement que par le passé sur un registre de politiques d’emploi. C’est au nom de l’emploi, de son maintien et de son développement, qu’une série de lois adoptées récemment cherche à élargir le champ des possibles de la négociation d’entreprise, supposée limitée, voire corsetée, par un réseau de règles fixées à d’autres niveaux (branche professionnelle, interprofessionnel ou loi nationale). Accords de maintien de l’emploi, de mobilité, de développement de l’emploi, possibilité de négocier l’organisation même de la représentation des salariés, « nouvelle architecture des règles » en matière de durée de travail… les appuis légaux à « l’émancipation » de la négociation collective d’entreprise n’ont jamais été aussi nombreux.
Cette promotion de la négociation collective d’entreprise a été accompagnée d’un effort de renforcement des exigences de légitimité des accords, au regard des la représentativité des participants à la négociation et des signataires, jusqu’à l’accord majoritaire devenu aujourd’hui la norme. Mais le législateur n’est guère allé plus loin dans le cadrage des processus de négociation, comme si la légitimité de leurs « produits » était un gage de leur qualité et de leur dynamisme. À la différence d’autres pays, au premier chef l’Allemagne, peu de règles cadrent précisément les pratiques de négociation (pour définir par exemple ce qu’est une négociation de bonne foi, les comportements condamnés dans la négociation ou ce qu’il est interdit de faire pendant une négociation). Le cadre légal fixe les conditions pour (se) mettre d’accord, mais ne dit rien des pratiques de négociation.
Or que sait-on véritablement de ces pratiques de négociation collective en entreprise et de leurs évolutions ? Après être revenu sur les différentes sources de connaissance de ces pratiques, leurs biais et leurs limites, nous esquissons un état des lieux de ce que les données quantitatives permettent de dire des transformations de la négociation collective d’entreprise, puis de ce que les enquêtes qualitatives permettent de dire de la qualité des processus de négociation.