Le bus en provenance de Varsovie et Lublin, rempli de femmes et de quelques enfants, a passé le poste-frontière de Rava Ruska en fin d’après-midi. Il a traversé jusqu’à Lviv des villages ukrainiens plongés dans une apparente tranquillité, paisibles comme peuvent l’être les communes rurales d’Europe au mitan du printemps. Comment cette campagne sans histoires, qu’éclaire pour quelques instants encore la lumière apaisante d’un soleil déclinant, pourrait-elle être en guerre ? Comme le dormeur du val de Rimbaud allongé sur un charmant lit de cresson se révèle être un soldat mort, les paysages sereins de Galicie se dressent sur un lit de terre souillée par les armées ennemies.