Publié en 1977 par l'Ocde dans une situation de stagflation généralisée, le rapport McCracken est devenu emblématique du «tournant néolibéral» de la coopération économique internationale. Cette enquête ébranle le pacte de lecture téléologique en revenant au sens de l'acceptable des acteurs mobilisés dans son écriture et à l'incertitude structurelle dans laquelle ils étaient plongés pour anticiper le devenir économique et politique. Plutôt qu'une victoire sans conteste du néolibéralisme, la sociogénétique de cet écrit bureaucratique redécouvre les stratégies d'adaptation du «keynésianisme international» hérité de Bretton Woods et les structures de plausibilité de cet espace situé à la confluence de champs politiques, bureaucratiques et universitaires. La dynamique de production s'analyse comme une logique de situation à travers laquelle le secrétariat de l'Ocde se voit exposé à des logiques et à des ressources externes polymorphes qui s'entrechoquent et se jaugent. La forme du rapport rend possible la confrontation de capitaux informationnels, bureaucratiques et politiques ; elle en objective, en quelque sorte, la valeur différentielle ou le taux de change pour les participants. Les anticipations socialement structurées de ce qui est jouable, coûteux ou risqué sont pistées dans la composition collective autour de quatre temps forts : la commande, le cadrage, la constitution du groupe et la cristallisation du rapport. L'article propose ainsi une autre manière d'enquêter sur les «tournants».