Cent ans après l’adoption de la loi de 1919, la sous-reconnaissance des maladies professionnelles reste patente, comme l’illustre le cas des cancers. Plus de deux millions de salariés français sont exposés à des produits cancérogènes sur leur lieu de travail, et on estime que 4 à 8 % des cancers survenant chaque année en France sont imputables à ces expositions, soit 14 000 à 30 000 cas. Pourtant, moins de 2 000 cancers professionnels sont reconnus chaque année, dans leur très grande majorité (plus de 80%) en lien avec une exposition à l’amiante. Cette situation a maintes fois été pointée par des rapports publics, et s’est même institutionnalisée depuis deux décennies à travers le versement d’une compensation financière par la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) à la branche maladie de la sécurité sociale. Malgré cette prise en compte formelle d’une sous-reconnaissance de l’origine professionnelle de nombreuses maladies chroniques, les principes fixés en France pour la reconnaissance des maladies professionnelles n’ont évolué qu’à la marge en un siècle.
Ce colloque, coordonné par Emmanuel Henry (IRISSO) et Jérôme Pélisse (CSO), se donne pour but de tirer les enseignements d’un siècle de sous-reconnaissance des maladies du travail. Il invite pour cela des chercheurs en sciences sociales français et étrangers, ainsi que des acteurs des politiques publiques de prise en charge des maladies professionnelles. Ces regards croisés éclaireront l’histoire de la prise en charge sociale des maladies du travail, ainsi que les débats contemporains qui entourent leur reconnaissance, alors que deux rapports parlementaires récents tentent de donner une nouvelle actualité à ces questions.