Marchandisation et société

Equipe : Pauline Barraud de Lagerie (responsable), Nicolas Belorgey, Antoine Bernard de Raymond, Yuri Biondi, Laure Bonnaud, Alexandre Coulondre, François Cusin, Marc-Olivier Déplaude, François-Xavier Dudouet, Nicolas Fortané, Nathalie Jas, Anne Jourdain, Alexis Louvion, Arnaud Mias, Elise Penalva-Icher (responsable), Camille Phé, Samuel Pinaud, Sabine Rozier, Christine de Sainte Marie.

Le programme « marchandisation et société » s’inscrit dans le prolongement de l’ancien pôle « sociologie des marchés » refondé autour de la problématique de la « marchandisation ». Il réunit les chercheurs de l’IRISSO qui étudient les mutations du capitalisme liées à l’extension du marché et, plus généralement, des dynamiques marchandes. Au-delà des deux visions antagonistes et un peu caricaturales du marché, l’une dénonçant un processus de marchandisation destructrice et l’autre louant les vertus régulatrices des mécanismes marchands, les membres du programme « marchandisation et société » s’attachent à interroger les conditions et les effets sociaux de la marchandisation, à travers deux orientations complémentaires : l’étude de l’élargissement de la sphère marchande à travers des activités entrepreneuriales et d’innovation d’une part, et l’étude de la régulation des activités marchandes par le prisme de la « durabilité » d’autre part.

 

Un premier volet : Entrepreneuriat et innovation

Penser l’activité économique passe souvent par l’évocation des figures de l’entrepreneur et de l’entreprise. Les projets de recherche menés ici visent à la fois à déconstruire ces figures en rendant compte de leurs dimensions contingentes, variables et plurielles, et à articuler la description de cette réalité complexe avec l’analyse des politiques économiques, des politiques d’entreprises, du travail et de l’innovation.

Les terrains développés dans ce volet portent sur la création de nouvelles figures d’entrepreneurs comme celle fabriquée par l’« ubérisation » de l’économie (travailleurs de plateformes, salariés portés…) ou comme « l’entrepreneur urbain » (élus portant des stratégies de développement territorial). Ils examinent aussi l’ambiguïté entre cette figure et d’autres qui lui sont proches comme celle du client émetteur d’avis sur les réseaux sociaux. Ensuite, les recherches de ce volet portent sur le new public management et les effets de l’introduction d’instruments inspirés du marché dans le secteur public (santé, développement urbain...), ou encore sur le rôle des fondations dans la mise en marché de l’enseignement secondaire. Enfin, un ensemble de recherches portent sur les comportements individuels induits par ces dynamiques de « marchandisation », qu’il s’agisse de l’essor des rémunérations variables dans les grandes entreprises, ou des pratiques entrepreneuriales de « mise à son compte » et de marchandisation du « hors-travail » (conversion d’une activité de loisirs créatifs en entreprise d’artisanat d’art par exemple).

Un deuxième volet : Entreprises et durabilité

D’autres recherches examinent la façon dont la marchandisation est présentée comme un instrument de régulation des activités des entreprises dans le sens d’une plus grande « durabilité ». A la croisée de la sociologie économique et de la sociologie de l’action publique, empruntant aux travaux sur la gouvernance des entreprises comme à l’étude des mouvements sociaux, ce deuxième volet entend regarder le développement de nouveaux marchés d’une part, et l’incorporation de « nouvelles » qualités aux marchandises préexistantes d’autre part, comme deux mécanismes de transformation des entreprises par le marché. Ces dynamiques, qu’elles soient initiées par les entreprises elles-mêmes, par les militants de la durabilité, par des experts en normalisation ou encore par les pouvoirs publics, posent la question de la transformation du marché par le marché.

Les terrains investigués dans ce volet vont de la construction d’un marché des « insectes auxiliaires » (alternative aux produits phytosanitaires) au développement d’un marché de l’investissement socialement responsable, de la normalisation des aliments pour bébés à celle des médicaments vétérinaires, de la définition de la « voiture citoyenne » à celle de la « ville durable », des nouvelles formes de gouvernance de la sécurité alimentaire  aux formes de régulation des droits des travailleurs dans les chaînes d’approvisionnement (et la « responsabilité sociale » des donneurs d’ordre).

Un questionnement commun : Régulation et valorisation

Les deux volets de ce programme ont pour point commun d’observer l’encastrement social de l’activité économique du point de vue des interdépendances et interactions d’acteurs très hétérogènes (entreprises, ONG, syndicats, pouvoirs publics, groupes professionnels, consommateurs etc.) dans le cadre de leurs activités de production ou d’échange. Les recherches de ce programme partagent donc une attention commune à deux processus : la régulation des activités économiques et la création de la valeur.

D’abord, la plupart des travaux menés s’intéressent aux acteurs et instruments de la régulation du jeu marchand (voir notamment tous les travaux sur la « qualification » des biens et services, en particulier via des normes et des labels) ou quasi-marchand (tarification dans le quasi-marché hospitalier). Ils s’enrichissent de l’étude des discussions, controverses ou conflits qui peuvent apparaître au sein des réseaux relationnels qui structurent les marchés. Ensuite, une ligne de force des travaux du programme « marchandisation et société » est d’interroger des mécanismes de création de valeur et du profit, qu’il s’agisse de regarder si et à quelles conditions le travail entrepreneurial est orienté vers la construction du profit ou dans quelle mesure le projet des entreprises dites « durables » consiste à tenter de convertir des valeurs morales en valeurs marchandes.

Des projets collectifs

Pour le prochain quinquennal, le programme « marchandisation et société » va se structurer autour de plusieurs contrats de recherche regroupant chacun plusieurs de ses membres : ANR Capla sur le capitalisme de plateformes, le projet Mission Interdisciplinaire CNRS RESTO sur l’évaluation des restaurants à partir des plateformes numériques, le projet ISRF « Marchandisation du hors-travail » sur la marchandisation d’activités domestiques et/ou de loisir, le projet BUGS dans le cadre du Métaprogramme INRA SMaCH (Sustainable Management of Crop Health) ou encore le projet PSL RegulRisk (« Régulation des risques sanitaires, intérêts économiques et innovations industrielles »). Les membres du programme sont, par ailleurs, partie prenante de réseaux internationaux comme le Réseau International de Recherche sur les Organisations et le Développement Durable (RIODD) dont le prochain congrès se tiendra à Dauphine en octobre 2017. Enfin, ce programme porte, avec le programme « Gouvernement des risques : expertise, normes, instruments » le séminaire transversal « Entreprises, régulation, risques sanitaires et environnementaux » de l’IRISSO.