Frontières du salariat et politiques du travail et de l'emploi

Equipe : Sarah Abdelnour, Pauline Barraud de Lagerie, Marlène Benquet, Sophie Bernard (responsable), Céline Bessière, Samuel Bouron, Marie Carcassonne, Guillaume Compain, Matei Gheorghiu, Marion Giovanangeli, Julien Gros, Emmanuel Henry, Alban Jacquemart, Anne Jourdain, Thierry Kirat, Camille Lévy, Alexis Louvion, Gwenaëlle Mainsant, Dominique Méda (responsable), Arnaud Mias (responsable), Elise Penalva-Icher, Camille Phé, Jean-Marie Pillon, Samuel Pinaud, Edwige Rémy, Bénédicte Reynaud, Thierry Rochefort, Madlyne Samak, Laurence Servel, Tessa Tcham, Fanny Vincent, Xavier Zunigo

 

Ces cinq années ont été marquées par une forte progression du nombre et de la variété des travaux réalisés. L’ANR Capla (Fragmentation du travail, marchandisation du « travail à-côté » : le capitalisme de plate-forme et ses impacts sociaux) a joué un rôle fédérateur en permettant à une dizaine de membres et de doctorant·es de l’IRISSO mais aussi à deux collègues des Universités de Lyon 2 et de Grenoble Alpes de déployer leurs analyses sur le travail via les plateformes. Ce projet collectif a également été une occasion de développer des travaux sur les mobilisations collectives de travailleurs indépendants, lesquels ont donné lieu à de nombreuses publications dans des revues à comité de lecture. Ce programme a permis de consolider et d’approfondir l’intérêt collectif porté aux frontières du salariat. Il s’inscrit en effet dans la continuité de réflexions portant sur la porosité des statuts d’emploi, entre travail indépendant et travail salarié, qui ont donné lieu à des ouvrages (par exemple Le nouvel esprit du salariat, 2020), des numéros thématiques de revue et des articles. Deux colloques internationaux ainsi que de nombreuses publications collectives et individuelles, qu’il s’agisse d’ouvrages (Les nouveaux travailleurs des applis, 2019 notamment) ou d’articles dans les principales revues du champ, ont permis de présenter les résultats de ce programme de recherches et de les confronter à ceux des collègues d’autres pays. Le séjour de recherche de Martine d’Amours, de l’Université Laval, spécialiste du travail indépendant, a permis de renforcer ces échanges.

Le partenariat d’une durée de sept ans avec le CRIMT, (Le Centre de Recherche Interuniversitaire situé à Montréal, sur la Mondialisation et le Travail) qui s’appuie sur un partenariat international regroupant 19 centres de recherches sur le travail et plus de 200 chercheur.e.s. travaillant au croisement de plusieurs disciplines, modèles et thématiques de recherche a constitué un foyer essentiel d’échanges intellectuels. Son programme porte sur l’expérimentation organisationnelle et institutionnelle à l’ère de la numérisation de l’économie, des crises sanitaire et climatique, de la fissuration des milieux de travail, du redéploiement des réseaux de production, de la redéfinition du rôle de l’État, et de la transformation des identités, des valeurs et des solidarités. Ce programme a permis à plus d’une quinzaine de membres de l’IRISSO, dont des doctorants et post-doctorants, de présenter leurs travaux lors des colloques réguliers organisés à Montréal ou dans d’autres pays, d’organiser des séjours de recherche entre laboratoires, de soutenir des mobilités. Le programme de recherche Capla a aussi débouché sur de nombreuses interactions avec plusieurs institutions et organes de la société civile (auditions parlementaires, travail avec des commissions et des organisations professionnelles et syndicales, présence lors des procès des plateformes...). Outre les frontières entre travail salarié et travail indépendant, celles qui distinguent travail et hors travail ont également été explorées et donné lieu à plusieurs publications dont, en 2019, The Social Meaning of Extra Money: Capitalism and the Commodification of Domestic and Leisure Activities, Palgrave Macmillan. Des travaux de recherche réalisés au cours de la période se dégagent à la fois une consolidation des grandes orientations du programme et des façons nouvelles de les appréhender qui sont partagées et contribuent à faire évoluer le programme. Une série de travaux et de publications ont continuées à être déployés autour de la question des conditions de travail, permettant de mettre en évidence de nouveaux résultats sur la précarité, les liens entre santé et travail, les conditions de travail des indépendants. Parmi d’autres, deux recherches collectives peuvent être évoquées sur ces aspects. L’ANR Fam. Conf., « L’expérience du confinement dans les familles » a permis de recueillir de nombreuses données comparatives (Suède, France, Suisse) sur les pratiques des familles pendant le confinement, notamment sur le télétravail et ses dimensions genrées (voir l’ouvrage collectif à venir Le travail à distance), venant conforter les résultats des premières enquêtes françaises publiées dans Familles confinées. Le cours anormal des choses en 2021 et dans un article en collaboration avec l’INED, publié dans Gender Work & Organization en 2023. Financée par la DARES et la DGAFP, la post-enquête Conditions de travail intitulée « Précarité d’emploi et conditions de travail » (2019-2021) a proposé d’appréhender les liens entre trajectoires dans l’emploi précaire et conditions de travail pour trois populations distinctes (les auto-entrepreneur·es, les intérimaires et les contractuel·les de la fonction publique), en combinant analyse statistique de l’enquête CT-RPS 2016 et une campagne d’entretiens approfondis de post-enquête. L’enquête a rassemblé une dizaine de chercheurs de l’IRISSO, en collaboration avec des chercheurs des Universités Paris-Est Créteil, Paris 8, Lyon 2 et Aix-Marseille, et a permis de financer trois chercheuses post-doctorantes. D’autres travaux ont analysé des dispositifs publics relevant des politiques du travail et de l’emploi, tels que la mise en place des Comités sociaux et économiques à la suite des Ordonnances Travail (dans le cadre de l’évaluation des Ordonnances du 22 septembre 2017 organisée par France Stratégie), les angles morts de la prise en charge de la santé au travail des travailleurs intérimaires (dans le cadre de la post-enquête déjà évoquée) ou les initiatives visant à pérenniser l’emploi des techniciens intermittents de l’audiovisuel (dans le cadre d’une convention de recherche avec le ministère de la Culture et de la Document d’autoévaluation de l’IRISSO Campagne d’évaluation 2023-2024 - Vague D Département d’évaluation de la recherche 19 Communication). Plusieurs publications ont rendu compte d’une recherche collective consacrée aux accords mondiaux, en partenariat avec le Bureau International du Travail. Un colloque a permis de faire le point sur les ordonnances travail de 2017 mêlant approches juridiques, sociologiques et économiques. On peut ranger dans cette rubrique les travaux consacrés au travail et aux outils de gestion des agents de Pôle emploi. Les travaux conduits ces dernières années ont aussi été l’occasion d’explorer des façons renouvelées d’appréhender les problématiques qui sont au cœur du programme « Frontières du salariat et politiques du travail et de l’emploi ». L’entrée par l’analyse des trajectoires socio-professionnelles et des parcours d’emploi apparait comme un trait commun à plusieurs de ces recherches. Outre les recherches déjà citées, plusieurs travaux se sont intéressés au thème des reconversions professionnelles en portant une attention forte aux supports institutionnels et aux dimensions genrées de ces pratiques. Cette attention portée aux trajectoires socio-professionnelles soulève des questions méthodologiques et peut se décliner selon diverses sensibilités théoriques, qui ont fait l’objet de partage et de discussion dans le cadre de l’atelier sus-mentionné. Par ailleurs, le souci d’articuler sociologie de l’emploi et analyse des conditions de travail parait constituer l’aiguillon de plusieurs recherches conduites ces dernières années, ce qui a aussi contribué à renforcer les échanges entre les personnes contribuant à ce programme. Le temps de travail reste un sujet de recherches important: plusieurs articles dans les revues internationales ainsi qu’un ouvrage y ont été consacrés (Les batailles du dimanche, PUF, 2017). La question du futur du travail a suscité un certain nombre d’ouvrages et articles (Le Travail, Que sais-je?, PUF, réed.2021; traductions en anglais et en russe de Réinventer le travail, PUF ; « Trois scénarios pour l’avenir du travail: Revue Internationale du travail, 2019; contributions dans The future of Work, Seismo, 2021). Les questions relatives à la transition écologique – ainsi que leur articulation avec l’emploi et les politiques sociales ont également fait l’objet de plusieurs contributions dans des colloques (Ouverture du colloque « Transition écologique et compétences de France Stratégie »), des ouvrages conjuguant approches juridiques, sociologiques et économiques (Une autre voie est possible. Vers un modèle social-écologique), des auditions parlementaires, des chroniques radiophoniques (France culture) ou écrites (Le Monde) consacrées à la question de l’anticipation des reconversions de main d’œuvre entraînées par la transition écologique. Une dizaine de thèses ont été réalisées ou sont en cours abordant des thématiques variées (portage salarial, start-up, formation professionnelle, intelligence artificielle, numérisation, coopératives, santé au travail…), dont plusieurs ont reçu des prix. De l’expérience fédératrice CAPLA a résulté le besoin d’organiser à une échelle plus large un espace d’échanges autour des travaux de recherche en cours dans le périmètre du programme. C’est ainsi qu’un atelier mensuel dédié au programme a été mis en place depuis 2021 où sont présentés et discutés des matériaux d’enquête, des chapitres de thèse ou des projets d’articles, afin d’apporter à chacun·e un soutien bienveillant, des conseils et des réponses aux questions soulevées.